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  • Jean Aubin

Énergies renouvelables : loi d'accélération ou loi de freinage ?

Dernière mise à jour : 13 mars

La "loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables" votée début févier


sera-t-elle à la hauteur des ambitions annoncées ? On peut hélas en douter, et craindre qu'elle n'aboutisse au contraire à freiner un peu plus un secteur où la France est déjà très en retard.

Avant de vous proposer deux articles sur cette loi, quelques remarques personnelles sur les causes de ce recul possible, montré comme une avancée.


D’abord, la spécialité française de complications administratives absurdes et tatillonnes. On prétend simplifier, et on rajoute encore une couche de complexification. Cette loi n’échappe pas à cette habitude…

Ensuite, l’hostilité aux renouvelables au sein des trois droites françaises : hostilité monolithique dans la droite lepéniste, presque aussi massive dans la droite historique LR, plus hétérogène dans la droite-Macron. Avec en arrière-fond, la fascination historique pour le nucléaire, héritage gaullien tenace (la grandeur nationale, le génie français qui conduit à faire cavalier seul dans un splendide isolement…). Quand on mise gros sur le nucléaire, il faut mettre des bâtons dans les roues des renouvelables.

Ensuite, l’attitude brouillonne de la gauche sur la question des renouvelables. Avec davantage de clarté dans ses convictions, la Nupes aurait pu tenter de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement afin de construire un texte plus clair et plus positif, au lieu de laisser RN et LR monnayer chèrement leur soutien pour en influencer l’orientation. Et cette attitude brouillonne n’est selon moi que trop présente dans le milieu écologiste.


La grosse difficulté avec les questions écologiques, c’est d’accepter de hiérarchiser les enjeux et d’élargir le regard afin d’éviter qu’un arbre ne cache la forêt. Comme toute activité humaine, les énergies renouvelables ont nécessairement un impact, y compris sur la biodiversité. Une éolienne peut tuer des oiseaux et des chauves-souris (combien ?) . Un champ photovoltaïque risque de perturber la faune et la flore locale. Que faire de cette réalité locale, face aux enjeux globaux ? Refuser massivement l’éolien ou le solaire, c’est renoncer aux plus prometteuses des énergies bas-carbone. Va-t-on aussi renoncer demain à toute consommation d’énergie, ou va-t-on rester dans les énergies fossiles, avec comme conséquence un dérèglement climatique maximal, dont la biodiversité sera victime autant que l’humanité. Face à des intérêts contradictoires, les choix sont douloureux, mais inévitables. Une approche responsable requiert d’évaluer les impacts, de les comparer avec ceux de l’alternative, de mesurer au cas par le rapport bénéfice / coût, au niveau financier sans doute, mais surtout au niveau environnemental et humain. (J’abrège, ayant publié un article sur ce sujet). Je crains que les parlementaires écologistes n’aient pas toujours fait preuve dans ce débat de suffisamment de largeur d’esprit, restant souvent dans une attitude émotionnelle qui conduit notamment à opposer les renouvelables à la biodiversité, tout en prétendant le contraire.


Voici donc les références de deux articles, donnant deux points de vue différents :

  • Celui de Reporterre intitulé "Énergies renouvelables : pourquoi EELV va s’abstenir"

  • Celui de revolution-energetique.com . Intitulé Énergies renouvelables : pourquoi la loi d’accélération est un ratage complet , cet article propose en plus des liens vers d’autres qui sont intéressants car, même s’ils ne sont pas forcément à prendre pour argent comptant, ils obligent à élargir la réflexion. Je pense notamment à un article sur le choix entre photovoltaïque et monoculture de pins, et à un autre sur l’agrivoltaïsme. Ce sont là des sujets hautement polémiques, et c'est normal, tant les "miracles" attendus de la "vocation énergétique de l’agriculture" sont suspects. J’ai dit depuis longtemps tout le mal que je pense des agrocarburants, pour lesquels le rapport avantages / inconvénients est affligeant ; j’ai dit plus récemment mes craintes sur la méthanisation et ses dérives. Aujourd'hui, l’agrivoltaïsme se dit riche de fortes potentialités mais on voit aussi l'appât financier irrésistible qui se cache derrière et peut mener à toutes les extrémités. Je suis plein de questions. Face à un tel engouement, il est urgent de s’informer et réfléchir…

Je vous recommande le texte intégral (ainsi que les articles connexes), mais en voici quelques extraits :



Énergies renouvelables : pourquoi la loi d’accélération est un ratage complet


Biodiversité vs renouvelables ?

Les autorisations données à l’implantation d’éoliennes devront, sous prétexte de favoriser leur appropriation territoriale, « limiter les effets de saturation visuelle ». Nul doute que les opposants, qui sont tous de bonne foi et jamais manipulés par des professionnels de la désinformation, sauront "s’approprier" cette disposition pour y puiser de nouvelles occasions de recours juridiques. "On n’a pas les moyens de tout empêcher", expliquait au Monde en mars 2020 Jean-Louis Butré, le président de la Fédération Environnement Durable (association crée en 2007 pour s’opposer au développement de l’énergie éolienne) "mais on leur fait perdre du temps". Cette géniale stratégie, ne visant en réalité qu’à préserver le nucléaire, a déjà coûté cette année des milliards d’euros à la France, obligée d’importer beaucoup d’électricité ex-gaz justement quand s’envolait le prix du gaz.


La reconnaissance de l’intérêt public majeur des énergies renouvelables – que les oppositions de droite comme de gauche et les écologistes ont fermement combattue – est bien dans le texte, mais soumise à la publication d’un décret en Conseil d’État qui en définira les conditions. Celles-ci seront fixées "en tenant compte de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée" : autant dire que l’avantage principal de cette reconnaissance, permettre aux petits projets décentralisés, chers pourtant aux élus écologistes, de n’avoir pas à prouver qu’ils sont d’un intérêt public "majeur", risque de disparaître.


En affirmant qu’il ne fallait pas "opposer le climat et la biodiversité", les écologistes, suivis par beaucoup d’autres, n’ont pas cessé au contraire d’opposer la préservation de la biodiversité au déploiement des énergies renouvelables, refusant d’apprécier à leur juste mesure les impacts mineurs des éoliennes ou des centrales solaires ou de reconnaître dans le changement climatique une raison majeure d’érosion de la biodiversité.


Le solaire torpillé

Résultat de cette absence de hiérarchie des enjeux, la loi "d’accélération des renouvelables" torpille le solaire, en interdisant pratiquement toute grande centrale au sol – de loin la formule la plus économique. L’énergie photovoltaïque devient la seule activité interdite en zones sylvicoles, pas même susceptible de demander une autorisation de défricher dans les conditions ouvertes aux centres commerciaux, aux centres de loisir, aux routes, aux stades, aux mégabassines…. L’agrivoltaïsme, strictement encadré, et les obligations de couvrir les parkings des grandes surfaces d’ombrières photovoltaïques, ne sauraient compenser un tel recul en termes d’installations annuelles.


Delphine Batho, députée écolo et ancienne ministre, est allée jusqu’à affirmer qu’il était "plus simple, plus facile, plus rapide d’aller sur le bâti et sur des espaces déjà artificialisés" pour installer du photovoltaïque. N’importe quel développeur aurait pu lui expliquer que ce serait au contraire plus compliqué, plus difficile et plus lent, et aussi beaucoup plus coûteux – entre deux et six fois selon la taille des installations.

C’est là sans doute que s’est le mieux illustrée la méconnaissance de la réalité de l’énergie solaire en 2023, chez les députés comme chez les sénateurs, chez les écologistes autant que chez tous les autres. Comment imaginer que les centrales solaires menaçaient la souveraineté alimentaire du pays, ou sa production sylvicole, alors qu’il suffirait de leur consacrer entre 100 000 et 250 000 hectares, le quart de la surface occupée par les agrocarburants (dont le rendement est cent fois moindre).




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